Quasi un'anno dopo... [Après presque un an]

Publié le par in-bocca-al-lupo

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Cela fait presque un an que j'ai quitté l'Italie. Le temps est passé très vite depuis (à part peut-être les mois pluvieux lillois) et les souvenirs sont intacts. Il faut dire qu'ils sont sévèrement entretenus, et c'est plus fort que moi. C'EST PLUS FORT QUE MOI. C'est exactement ça, c'est fort, très fort, quelque part en moi, jamais tari. Il n'y a pas un jour qui passe sans une pensée pour mon année en Italie. C'est parfois simplement un souvenir agréable qui se balade dans ma tête, parfois un manque profond qui voudrait hurler. Certains appellent cela la « dépression post Erasmus ». Oh... non, merci docteur, je me porte bien. J'ai goût à la vie et bon appétit. Ce manque-souvenir que je porte en moi est innommable et difficilement descriptible. Pour la première fois de ma vie je vis des réminiscences hypra-réalistes. La lumière des matins florentins, le son de la poignée de porte qui grince, le parfum de la peinture à l'huile, le parfum du jasmin, les miroitements sur le fleuve, les couleurs des immeubles, le gris des pavés cabossés, le couinement de mon vélo, l'accent des professeurs, les petites annonces du hall de l'Université, la musique du supermarché, l'échafaudage habillant la vue de ma fenêtre, le bruit des ailes des pigeons jouant dans l'échafaudage, le froid et l'irrégularité des dalles de ma chambre, la texture du bois de la table de la cuisine, la peau brune de J, le bruit du chauffe-eau, les entrelacs de la grille en bas, le goût du vin blanc « della casa » de La Cité, les dorés infinis des soleils couchants, l'esplanade du palais Pitti, le goût délicieux des glaces, les odeurs des bibliothèques, le petit jardin de M. et C., les couvertures chez N. la voix de L. le pas lourd de A, le brouillard d'Urbino, le tic capilaire de G, les sanglots de N à l'aéroport, le dernier abbraccio de L.

 

Ce manque puissant parfois mélangé à une frustration terrible : ça n'existe plus. Quoiqu'on en fasse, le temps passé est un temps perdu. La ville, les gens qui y vivaient près de moi, l'état d'esprit dans lequel j'étais, ce que j'y ai vu, appris, partagé, entendu, ressenti, tout cela était lié, formant un tout indissociables. Et retrouver l'un de ces éléments ne me fera jamais retrouver le « tout ». « Tout » appartenant au passé, « tout » impalpable. Pourtant toujours réceptive aux plaisirs de la vie, j'ai la fâcheuse impression de ne rien pouvoir vivre d'aussi puissant, d'aussi épanouissant.

 

Janvier 2013 : une professeur nous passe le début du Sydrome de Stendhal. A la vue des images de la ville, les larmes montent. Incontrôlables. Je regarde tout film susceptible de montrer Florence, ou l'Italie, faire entendre l'italien. Tous, mécaniquement, à tel point que je regarde Obsession dans une qualité merdique, avec des doublages français terribles où les voix des enfants sont doublées par des adultes. Et entre temps je suis devenue fan (amoureuse ?) de Nanni Moretti. Je regarde mes albums photos au moins une fois pas semaine. Autre symptôme de mon addiction : je finis toujours par passer au rayon tourisme des librairies pour feuilleter un ou deux guides sur Florence ou Rome (Rome m'est tout aussi marquante, aussi court fusse le temps passé dans la ville éternelle). Je mange énormément de pâtes et de risotto, je m'acharne, en vain, à cuisiner aussi bien que L. Je ne cuisine plus qu'à l'huile d'olive et je ne coupe plus mes spaghetti. Je me retiens tous les midis d'assomer mes collègues de « et bah moi quand j'étais en Italie... » Et j'ai réalisé il n'y a pas très longtemps que les quelques photos accrochées ici ou là dans ma chambre ne sont que des photos d'Italie. J'avais une vie avant ? Haha..

 

Et pourtant, je n'y suis pas encore retournée. Pour une raison tout à fait égoïste. Oui car il y a des gens là-bas que j'aimerais revoir et qui je pense aimeraient me revoir. Mais j'ai peur de me prendre des souvenirs en pleine figure et qu'ils fassent mal, j'ai peur d'y retourner sans M, C, N... Voir la ville qui a accueilli les plus beaux mois de ma vie, n'être plus qu'une destination de vacances temporaire serait déchirant. Ce serait comme passer une semaine chez son ex- qu'on aime encore et en compagnie de sa nouvelle copine. C'est moche comme comparaison mais c'est à peu près ça.

 

Quand j'étais dans les démarches Erasmus et que je préparais mon départ, le service des Relations Internationales m'avait mis en relation avec une ancienne étudiante de l'Université de Tours qui avait effectué son année Erasmus à Florence. Nous avions échangé quelques mails et à la fin de l'un d'eux elle écrivait : « tu vivras sans doute la plus belle année de ta vie ». Ca n'avait pas trop de sens pour moi à l'époque. Et un peu moqueuse je me disais, elle a rencontré plein d'étrangers et fait la fête et paf ça en fait la plus belle année de sa vie. Mais merde, elle avait raison.

 

Mais n'oublions pas que même si Erasmus concerne/a concerné/concernera (je l'espère) beaucoup de personnes et que tout le monde s'accorde à en partager les mêmes stéréotypes, les histoires vécues sont intensément singulières. Et ne nous efforçons pas de les raconter. Nous n'y arriverons pas...

 

--> Musique : Falling Slowly - iiiioooooo !

 

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P
Très bel article Pauline, très touchant, émouvant, tu arrives toujours à me tirer des petites larmes des yeux :-)! Il est vrai que Florence est particulière certes une belle ville par son histoire,<br /> son architecture ,son art Florentin et surtout par une ambiance, le son des voix , la langue Italienne si chantante, l'élégance des Italiens (nes),les apéritivos, les petits légumes aux halles, les<br /> pâtes, enfin une ville "envoûtante"!<br /> Et bien sûr pour toi de très beaux souvenirs, de belles amitiés de belles rencontres et et et l'AMOUR...............
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S
MERCI Poo Tu m'as mise larme à l'oeil
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I
<br /> <br /> OOoooh bah non fallait pas ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br />
M
Certes, ça fait mal mais tout plutôt que n'avoir pas vécu tout ça, non ?
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I
<br /> <br /> Bien sûr !! L'article parait assez négatif mais au final c'est bien la plus belle chose qui pouvait m'arriver et je suis riche de ça. La vie continue autrement, et comme tu disais, j'ai trouvé de<br /> larges compensations à mon départ malgré les périodes de réel manque. C'est surtout une expérience profondément marquante, on en sort pas indemne ! Mais c'est ainsi que la vie vaut d'être vécue,<br /> pô vrai ? : )<br /> <br /> <br /> <br />